Portrait Antoine Giraud

PortraitAntoine Giraud, Praticien hospitalier

Antoine Giraud est Maître de Conférences à la Faculté de Médecine de l’Université Jean Monnet Saint-Étienne et Praticien Hospitalier dans le service de Réanimation Néonatale du CHU de Saint-Étienne. Il est également chercheur spécialisé dans l'évaluation fonctionnelle précoce du cerveau du nouveau-né et du jeune bébé.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis actuellement Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier (MCU-PH) à Saint-Étienne. En pratique, c'est une sorte de métier double : d'une part, Maître de Conférences à la Faculté de Médecine de l'Université Jean Monnet et d'autre part Praticien Hospitalier dans le service de Réanimation Néonatale du CHU de Saint-Étienne. 

Quel a été votre parcours de formation ?

Il a été a assez simple au final. Je me suis inscrit à l'Université Jean Monnet après mon baccalauréat et je ne l’ai plus quittée. J'ai suivi un cursus médical et de recherche. Concernant mon cursus médical, j'ai effectué mes premier et deuxième cycles des études médicales à la Faculté de Médecine de Saint-Étienne. Ensuite, j'ai fait mon troisième cycle, c’est-à-dire un internat, où je me suis spécialisé en pédiatrie. Enfin, je me suis sur-spécialisé en néonatalogie – c’est-à-dire la médecine du nouveau-né – également à Saint-Étienne. Parallèlement à mon cursus médical, j'ai effectué un parcours de recherche. J'ai débuté mon Master 1 en parallèle de mon deuxième cycle des études médicales. J'ai ensuite assez naturellement enchaîné vers un Master 2, puis une Thèse d’Université au cours de laquelle je suis parti un an à l'Université McGill à Montréal, et enfin un post-doc, d'un an également, à l'Université de Cork en Irlande.

Pouvez vous nous décrire les activités que recouvrent les travaux de recherche en médecine, et en néonatalogie en particulier ?

J'ai la chance, de par ma double casquette médecin/universitaire, d’avoir accès à des ressources assez transversales. Au cours de ma thèse, j'ai combiné des méthodes de recherche préclinique, en travaillant sur un modèle murin d'infection du placenta – appelée chorioamniotite – à streptocoque de groupe B, et clinique, en étudiant une cohorte d’enfants nés prématurément. Suite à ma thèse, je me suis pleinement investi dans l'évaluation fonctionnelle précoce du cerveau du nouveau-né et du jeune bébé. J'étudie l’électroencéphalographie (EEG, l'activité électrique du cerveau), et les mouvements généraux, c'est à dire les mouvements que sont capables de faire spontanément les bébés, qui sont un très bon reflet du développement du cerveau. Vous effectuez vos travaux de recherche au sein du laboratoire Sainbiose, qui est rattaché à l'Inserm.

Quels sont les grands axes de recherche de ce laboratoire ?

Le principal atout du laboratoire Sainbiose est sa transversalité. C'est un laboratoire qui réunit des biologistes, des ingénieurs, des médecins, ... C'est dans cette pluridisciplinarité que mes travaux s'inscrivent. Mes travaux sur l'impact de l'inflammation périnatale sur le cerveau en développement et sur l'évaluation développementale précoce utilisent cette approche transversale qui est propre au laboratoire Sainbiose.

Permettons-nous à présent d'être un peu plus « techniques », si vous le voulez bien. En 2021, vous avez été récompensé pour votre travail de thèse par la Fondation de l’Université Jean Monnet, une thèse qui avait pour intitulé « Impact de l'inflammation périnatale sur le cerveau en développement : de la dimension neurodéveloppementale à l'échelle endothéliale ». Pourriez-vous présenter ce domaine d'étude, sur lequel vous avez longuement travaillé, à une personne qui ne maîtriserait pas la terminologie médicale ? Et nous parler, ensuite, des questionnements qui vous ont amenés à vous intéresser à la recherche autour de ce sujet ? Je tiens tout d’abord à remercier à nouveau la Fondation UJM de m'avoir attribué ce prix de thèse. La période périnatale, c’est-à-dire entourant la naissance, est une période critique pour le cerveau de l’enfant. Elle représente une étape majeure de la construction cérébrale et se caractérise par un pic de fabrication des principales cellules cérébrales, notamment des neurones, qui soutiendront le développement de l’enfant jusqu’à l’âge adulte. La survenue d’une inflammation durant cette période périnatale peut être secondaire à une inflammation du placenta, appelée chorioamniotite, ou à infection bactérienne précoce du nouveau-né. J’ai montré au cours de mes travaux de thèse que la présence d’une inflammation périnatale est associée de manière indépendante à un moins bon développement de l’enfant né prématurément. Cela s’explique en partie par la toxicité d’une augmentation de la concentration sanguine d’un médiateur de l’inflammation, l’interleukine-1 beta, sur les cellules du cerveau. En plus de sa toxicité sur le tissu cérébral, l’inflammation médiée par l’interleukine-1 beta dérégule de manière diffuse l’interface entre le sang et le cerveau, appelée barrière hémato-encéphalique, et induit une inflammation de la paroi des artères cérébrales. Cette atteinte inflammatoire de la paroi des artères cérébrales, appelée vascularite, est également susceptible de conduire à la survenue d’un AVC artériel ischémique néonatal. Pourquoi s'être intéressé à cette inflammation périnatale et à son impact sur le cerveau en développement ? Parce que promouvoir le développement des enfants prématurés est essentiel, et représente le but de notre métier. Il s’agit de donner à chaque enfant le maximum de cartes en main pour pouvoir exprimer tout son potentiel. L’exposition à l'inflammation périnatale est fréquente, puisque qu’elle concerne plus de la moitié des enfants prématurés. Elle représente une toxicité cérébrale pour laquelle nous avons potentiellement des thérapeutiques anti-inflammatoires à proposer. 

Quelles applications concrètes pouvez-vous tirer de ces recherches ?

Concrètement, mes travaux de thèse ouvrent la voie à deux axes de recherche principaux. Le premier axe consiste à essayer de réduire l’exposition à l'inflammation périnatale. C'est-à-dire proposer des traitements anti-inflammatoires chez les enfants concernés par une telle exposition. Cet axe-là en est encore au stade pré-clinique. Le deuxième axe de recherche, dans lequel je m'investis pleinement depuis la fin de ma thèse, est de mettre au point des outils performants d’analyse précoce du développement utilisant l'électroencéphalographie et l'évaluation des mouvements généraux, afin de proposer à chacun de ces enfants un suivi et un soin individualisés.

Quels ont été les défis principaux auxquels vous avez été confronté lors de votre travail de thèse ?

À posteriori, rien d'insurmontable (rires). Ma thèse s’est plutôt bien passée. Le principal défi a été l’organisation de ma mobilité internationale à l'Université McGill au Canada, accompagné de ma femme, qui était à l'époque enceinte, et de ma fille qui avait à ce moment là deux ans. Heureusement, j’ai été épaulé dans mes démarches par la faculté de médecine et les équipes mobilité du service des relations internationales de l’UJM.

Quels bénéfices tirez-vous de ces expériences à l'étranger ? Quels conseils donneriez-vous à un ou une étudiant.e qui souhaiterait tenter l’expérience d’une mobilité internationale ?

C’est d’abord très enrichissant d’un point de vue professionnel. Cela permet de développer de nouvelles techniques, mais aussi de découvrir d’autres façons de travailler. Intégrer une équipe à l'étranger, c'est voir à quel point les approches et l’accès aux ressources peuvent être différents. Cela permet également de faire des rencontres, qui seront le support de futures collaborations internationales. D’un point de vue personnel, ces deux mobilités à l’étranger ont été une expérience familiale inoubliable. Nous sommes partis à trois à Montréal et sommes revenus à quatre un an après. À Cork, nous sommes partis à cinq, avec mes deux grands qui sont allés à l’école en Irlande – en anglais, en uniforme, et en bus à deux étages. Ça a été pour eux aussi une année incroyable.
Ce que je voudrais dire à un étudiant qui se pose la question de partir à l'étranger, c’est de sauter le pas ! Parce que cela représente une expérience professionnelle indispensable, une expérience personnelle inoubliable, et que la période du doctorat ou du post-doctorat est idéale pour partir en mobilité internationale. Parce que ce sont des périodes où on est assez avancé dans sa carrière de jeune chercheur pour en tirer pleinement un bénéfice, tout en étant assez jeune pour pouvoir partir assez facilement au niveau familial. Les conseils que je donnerais, en plus de partir, c'est de prendre contact avec les services internationaux de l’Université Jean Monnet qui sont là pour nous aider. Et puis aussi s’y prendre tôt, parce qu’une mobilité doit s’anticiper, avec notamment des étapes administratives qui peuvent prendre du temps.

Pourquoi Saint-Étienne ?

Saint-Étienne, c'est la ville où je me sens bien, tout simplement. Je trouve que c'est une ville qui est qui à taille humaine, où les gens sont sympathiques, abordables. J'aime aussi beaucoup l'ambiance qui est à la fois simple -on se parle, on discute-, à l'échelle de la ville, mais à l'échelle de l'université, aussi, où on retrouve cette simplicité qu'on n'a pas forcément ailleurs. C'est-à-dire que si, par exemple, j'ai une idée ou un projet de recherche qui va impliquer une capacité et une compétence que je n'ai pas dans mon laboratoire, je peux aller frapper à la porte d'un autre laboratoire, et je sais que je vais être bien accueilli et qu’on pourra en discuter ensemble. C'est vraiment cette simplicité à la fois dans la vie et dans le travail qui me donne envie de rester à Saint-Étienne. Je me sens tout
simplement bien ici.

Vous êtes également, comme vous l’avez dit, Maître de Conférences à la Faculté de Médecine de l’Université Jean Monnet, parallèlement à vos activités au sein de l'unité de réanimation néonatale au CHU. C'est un travail qui demande on l’imagine beaucoup d'investissement personnel. Comment conciliez vous vos différentes activités dans le contexte actuel difficile de l’hôpital public ? Alors, c'est vrai que tout n'est pas rose à l'hôpital public, comme ailleurs. Pour concilier tout ça, j'ai un secret qui n'en est pas un, je travaille beaucoup. Je travaille beaucoup, mais avec beaucoup d'envie, parce que j’ai la chance de faire un métier que j’aime. C’est un métier qui a du sens, à même d’apporter un réel sentiment de satisfaction professionnelle du fait du service rendu à la population à la fois par le soin, à la fois par la participation à l’avancée des connaissances et à leur transmission. Oui, c'est un métier qui est exigeant parce que par définition, les enfants qui sont hospitalisés dans notre service le sont pour des causes graves. Mais c'est un métier qui a du sens et qui est particulièrement stimulant.

On répète beaucoup que les métiers de la santé sont mal dotés, en effectifs et en moyens. Quel regard portez-vous sur la génération de praticiens qui arrive ? Est-ce ces métiers suscitent toujours des vocations ? Est-ce que les étudiants restent à Saint-Étienne ? Ou préfèrent-il les grands pôles comme Lyon ou Paris ? Le problème de manque d'effectif à l'hôpital public n'est pas propre à Saint-Étienne, il est national – voire international. Les gens acceptent de moins en moins de passer leur vie au travail et de mettre complètement de côté leur vie de famille. Et à raison, je pense. Quand on parle de néonatalogie, Saint-Étienne est un centre de niveau 3, c'est à dire prenant en charge tous les enfants, quel que soit leur âge gestationnel. C’est une unité assez comparable à celles que l’on peut retrouver dans de plus grandes villes, que ce soit en termes de pathologies ou en nombre d'enfants pris en charge. Concernant la recherche, je trouve qu'on est assez bien doté à Saint-Étienne. La faculté de médecine est à côté du CHU, les autres laboratoires de l’UJM sont aussi juste à côté. On se parle parce qu’on se connaît, on discute ensemble. Quelque chose que j'ai aussi beaucoup apprécié depuis que j'ai commencé mes études à l'UJM, c'est qu’il y a toujours eu quelqu'un pour m'accueillir, pour me soutenir. Je pense que ce n'est pas qu'une question de taille, c'est aussi une question de culture. Il y a à l’UJM une culture d'entraide, de soutien aux étudiants qu'on ne retrouve pas forcément ailleurs.

Pour conclure notre entretien, il y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez rajouter, notamment sur vos recherches actuelles ? Poursuivez-vous toujours l’axe de recherche de votre thèse ? Il y a-t-il d'autres projets qui vous animent en ce moment ?


J'ai passé ma thèse à étudier cet impact de l’inflammation sur le cerveau en développement.  Dès la fin de ma thèse, je me suis focalisé sur l'évaluation développementale des enfants prématurés qui sont encore hospitalisés. L’intérêt est de pouvoir évaluer précocement ces enfants, ce qui n'est pas évident à cet âge-là, pour pouvoir leur proposer une prise en charge précoce et individualisées dès la sortie d'hospitalisation, afin de soutenir leur développement. Nous réalisons en ce moment à Saint-Étienne une étude particulièrement novatrice, où nous construisons un programme informatique d'évaluation automatisée de ces mouvements généraux qui va nous aider à mieux évaluer le développement de nos bébés. 

Interview réalisé par Théo Jacqmin